Je ne sais pas si vous avez vu Babel, ce magnifique film avec Brad Pitt et Cate Blanchett qui jouent un couple d'Américains échoués par accident (elle est gravement blessée par balle) dans un village marocain et qui mettent leur sort entre les mains des villageois sous l'oeil suspicieux (voire paniqué) des touristes qui les accompagnent. Sur le coup, j'étais fière d'avoir capté le message (ouh, pas beaux, les préjudices) forte de mes souvenirs de voyage en Turquie, en Tunisie et en Jordanie où j'avais découvert la merveilleuse hospitalité locale. Eh bien, figurez-vous qu'il y a 2 mois, dans le train qui me ramenait de Toulouse après une ultime visite de notre future maison, j'ai moins fait la maligne.
Une ravissante et jolie jeune femme à foulard est venue s'asseoir à côté de moi. Elle était très nerveuse car, dixit, "c'était la première fois qu'elle prenait le train". Du coup, elle a préféré caler son énorme valise entre ses jambes plutôt que de la mettre dans l'espace bagages. J'ai piqué un petit somme. En me réveillant, je l'ai vue plongée dans un livre dont l'un des chapitres s'intitulait Les délices du cercueil.
Giclée d'adrénaline. Enfer et damnation, la valise !!!
J'ai respiré un grand coup (calme, calme, ma fille) en essayant de me concentrer sur le paysage... Ma voisine a posé son bouquin trop agitée pour pouvoir continuer, a ôté son foulard, rabattu la capuche de son gilet sur son visage, roulé son foulard en boule pour s'en tamponner les yeux et a pris son portable : "Allô, Adnane. Tu peux me passer Moussa ?".
Geyser d'adrénaline : au lieu de mourir d'un cancer, j'allais mourir explosée dans un train.
La fille a alors supplié son interlocuteur de "bien s'occuper de Sabri".
Bon, si tel était mon destin, au moins j'étais à côté d'elle et je ne finirai pas grabataire.
Elle a fini par m'expliquer qu'elle allait en stage à Cholet et qu'elle angoissait comme une bête parce que c'était la première fois qu'elle partait de chez elle. Moi qui me targue d'être ouverte d'esprit et tolérante, j'ai autant pétoché que les touristes racistes de Babel. La honte.